Sud-Kivu : Paysans sans Terre, la femme ne pas épargnée (Entretien)

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Les petits agriculteurs de l’Est de la RD Congo perdent une grande partie de leurs terres cultivables au profit des personnes nanties. Ces inégalités créent une insécurité alimentaire dans certaines parties du Sud Kivu, tandis que les terres les plus fertiles sont quasi non exploitées. Plusieurs agricultrices qui font du travail de la terre une activité principale, déplorent le fait que les concessions appartiennent aux politiciens et grands commerçants qui les exploitent comme pâturages ou les laissent dormantes.

Alain cirhuza du département d’observation des ressources naturelles de la Commission Diocésaine Justice et Paix (CDJP), pense que l’offre des terres aux paysans pour l’agriculture serait une solution efficace pour résoudre les conflits y relatifs.  La possession de terre est une identité culturelle pour le peuple africain, d’où un remède pour la famine qui ronge bien des ménages.

Dans un entretien avec la rédaction de Mkulima, Alain cirhuza confirme que son organisation a dénombré plusieurs défis que les petits agriculteurs rencontrent.

Mkulima Comment l’agriculture peut-elle contribuer à la restauration de la paix ?

Alain cirhuza : Les conflits fonciers déchirent les agriculteurs, alors que la RD Congo possède à peu près plus de 80 millions de terres arables sur une superficie de 2346 200km, seulement 105 577,45KM2 sont utilisés pour des activités anthropiques. Il y a un énorme besoin d’exploiter la terre pour qu’elle soit profitable à tous. Des grandes concessions sont présentement gérées et usurpées par les concessionnaires qui détiennent les derniers mots. Les citoyens lambda ont du mal à accéder aux terres suite aux conditions de location posées par les propriétaires.

Mkulima : Les agriculteurs en conflit de terre, comment les cadastres agricoles peuvent-ils ?

Alain cirhuza : Comme CDJP nous travaillons particulièrement pour la culture de la paix. Nous sensibilisons la communauté à recourir aux moyens pacifiques s’il y a un conflit lié à l’exploitation de la terre qui oppose les deux parties.  La communauté ou bien les exploitants de pouvoir recourir au moyen non violent pour résoudre ce conflit.

Mkulima : Les conflits portant sur les terres agricoles des communautés locales ne sont recevables devant les instances judiciaires que s’ils ont été préalablement soumis à la procédure de conciliation, à l’initiative de l’une des parties devant l’organe consultatif prévu à l’article 9 de la présente loi. Vous CDJP à votre niveau comment procédez-vous l’arbitrage du conflit entre deux belligérants ?

Alain cirhuza : La loi sur l’agriculture a prévu des pistes pour résoudre ce conflit. De fois les belligérants doivent être orientés vers le conseil consultatif pour que ces parties-là puissent être écoutées et s’il n’y a pas de compromis ils peuvent alors recourir aux instances judiciaires.

Mkulima : Comme en majorité les agriculteurs sont des paysans sans terre et non instruits, comment vont-ils se comporter vis-à-vis des exigences leur imposées par les propriétaires ?

Alain cirhuza : Nous travaillons pour les actions de plaidoyer qui nous permettent d’accompagner des ménages pauvres ne disposant pas de moyens suffisants capables de leur permettre de réunir les conditions prévues par la loi. Ce plaidoyer permet à ramener ces grands propriétaires à comprendre qu’à côté de ces grandes concessions il y a aussi la communauté qui peut vivre de cette terre. Dans ce cas nous les amenons à comprendre qu’ils doivent réduire le prix de location de terres. En réduisant ce prix, ça facilite la communauté à savoir accéder aux terres. Si les agricultrices et agriculteurs accèdent à ces terres à un prix réduit, cela contribue à la réduction du coût de production pour les ménages vulnérables.

Mkulima : Quelles sont les actions menées par votre organisation en faveur de ces agricultrices sans terres ? Comment procédez-vous pour aider les agricultrices sans terre à faire face à la forte pression des spoliateurs ?

Alain cirhuza : Nous avons accompagné dans certains villages des femmes et des foyers vulnérables à disposer de titres.  Par exemple à Mulamba où nous avons aidé certaines femmes qui ne disposaient pas assez de moyens d’aller auprès de services étatiques habilités et entamer des procédures pour accéder aux titres. Avec notre appui ces femmes ont obtenu des documents nécessaires pour posséder des terres. De la même manière, nous sensibilisons la population locale à faciliter à ce que la femme puisse aussi avoir des terres.

Mkulima : Comment la femme agricultrice peut-elle contribuer au rétablissement de la paix durable ?

Alain cirhuza : Quand on parle de l’agriculture on voit la femme comme pièce motrice (…) On ne sait pas comprendre comment la femme qui est une pièce motrice dans l’agriculture peut être dépourvu des terres pourtant c’est elle qui nourrit les communautés. Nous croyons que c’est une sorte d’injustice. Nous sommes d’accord que suite à sa production, son sens d’humanisme et de vouloir rassembler tout le monde au tour un intérêt, elle réduit sensiblement les conflits entres les gens.

Mkulima : Pensez-vous qu’un jour la communauté pourra briser cette barrière discriminatoire en allant au-delà ce stéréotype du genre à réduire la compétence de la femme et lui permettre à devenir aussi propriétaire de terres au même niveau que l’homme ?

Alain cirhuza : Nous sommes en train de travailler, de sensibiliser les membres de la communauté à faire en sorte que les femmes puissent accéder aux terres, aux ressources pour qu’elle puisse elle-même les exploiter et contribuer au développement de la communauté au même niveau que l’homme.

Mkulima : procédez-vous pour faire entendre vos voix lorsque les droits de ces femmes sont bafoués ?

Alain cirhuza : Nous avons des actions de plaidoyer, nous organisons des marches et site in, pour que la paix soit restaurée et que l’agriculture soit promise. Le souci majeur est de faire comprendre que la femme est également un acteur de changement et de développement et qu’elle ne devrait pas être dissociée dans le circuit décisionnel.

Mkulima : Comme il s’agit ici de la question de conflits de terres, comment accompagnez-vous ces agriculteurs dans de zones à forte insécurité, surtout les femmes qui en sont les victimes ?

Alain cirhuza : Par exemples à certains endroits où il y avait suffisamment de terre pour les exploiter, mais malheureusement à cause de l’insécurité ils sont obligés d’aller se concentrer dans des centres où il y a une sécurité relative.  On ne peut pas parler de la paix sans pain, il vous faut suffisamment de pain sous la table pour avoir la paix parce que la guerre commence d’abord dans le ventre. Ce sont ces inégalités sociales qui sont à la base des conflits dans la communauté. Lorsque la communauté cherche ces ressources là et qu’elle ne peut pas y accéder ça crée des tensions sociales.

Mkulima : Comment procédez-vous dans la résolution de conflit de terre entre protagonistes ?

Alain cirhuza : Au cas où le conflit de terre se pose, nous, CDJP, avons des commissions paroissiales. Si cela n’apporte pas de solution nous faisons recours au département de résolution de conflit qui se charge de ce dossier. Au cas où il n’y a toujours pas compromis on peut recourir au conseil consultatif. Dans le cas contraire on les réfère devant la justice.

Mkulima : Dans le cadre de votre implication dans la gestion de conflit de terre, avez-vous résolu quelques différends en faveurs des agricultrices-agriculteurs ?

Alain cirhuza : Oui, plusieurs cas ont été pris en charge. Nous avons eu à accompagner des communautés à aller vers la chefferie pour réclamer des terres. Dans d’autres endroits nous avons fait de dialogues entre partie en conflit et nous avons trouvé des résultats, (…) Nous travaillons dans la sensibilisation de la population en les amenant à comprendre que la femme et l’homme ont les mêmes droits et qu’il n’y a pas intérêt de se discriminer les uns et les autres. Ils doivent comprendre que la réussite est dans la conjugaison des efforts et cela relèvera les défis du secteur agricole.

Mkulima : Un message à la population du Sud-Kivu par rapport aux actions que vous réalisez en leur faveur.

Alain cirhuza : Nous disons à tous ceux-là qui nous lisent, que le changement c’est nous, c’est chacun de nous, c’est l’un et l’autre. Que nous nous facilitions la tâche pour que chacun jouisse de cette merveilleuse terre que l’Eternel nous a donnée. Que, femmes et hommes, chacun l’exploite merveilleusement sans être bousculé par l’autre.

Le « Sans-terre » est un emprunt des paysans d’Amérique Latine qui ne possèdent pas de terre pour cultiver. Le mouvement des « sans-terre » (MST) qui désigne une organisation paysanne brésilienne militante qui œuvre pour une répartition plus équitable des terres. Plus de 80% de terres arables exploitées sont détenues par un petit nombre de grands propriétaires. Cette réalité est d’actualité en RD Congo et l’agriculture en paie le prix.


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