Sud Kivu : le gouvernement congolais face à ses responsabilités vis à vis des caféiculteurs  

la promotion de la culture du café au Sud-Kivu,
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La journée internationale du café a été commémorée pour l’année 2024 sous le thème « Le café : votre rituel quotidien, notre voyage commun ». Cette année 2024, l’Office International du Café encourage la communauté à organiser des activités dans le secteur du café et à adopter la collaboration pour une action collective. Les producteurs du café à l’Est de la RDC pensent que la problématique provient du fait que le café est un produit cultivé dans les pays de l’hémisphère Sud (pays en voie de développement), alors qu’il est grandement consommé dans les pays de l’hémisphère Nord. Pour ce faire, il existe alors une certaine inégalité socio-économique entre les producteurs et les consommateurs. Pour eux, les producteurs locaux doivent vivre de leur production afin d’encourager la culture du café et donner sens au thème de l’année.

Cependant, l’on note que la demande sur le marché mondial du café de qualité est en train d’augmenter, mais la production de café est en baisse considérable. La production du café Arabica en République démocratique du Congo précisément dans sa partie Est fait face à de sérieuses difficultés, dues aux prix bas sur le marché mondial, ce qui n’encourage pas les producteurs. La mauve politique agricole, le désintéressement de l’étatique vis-à-vis du secteur agricole (café) constituent un frein pour l’émergence de cette culture.

Kabare/Katana, ce territoire qui se confirme dans la production du café

En dépit des menaces, de multiples défis auxquels fait face la culture du café dans l’Est de la RDC, le café demeure un breuvage important pour booster l’énergie et contribue à la concentration pendant le travail. Contacté par la rédaction Mkulima.ekagri, l’ingénieur Binja Celubala Janvier, la coopérative agricole Kivu Coffee dans le groupement d’Irhambi Katana en territoire de Kabare au Sud-Kivu, pense qu’en dépit des difficultés rencontrées, le café demeure une culture importante et irremplaçable.

« La culture du café étant une culture pérenne, elle est d’une importance capitale surtout pour les petits producteurs car cette culture n’empêche pas aux agriculteurs d’associer dans les champs les légumineuses (haricots, Soja, et arachide). Grâce au marché disponible, les caféiculteurs peuvent accéder aux crédits agricoles pour préfinancer certaines activités dans leurs vécus quotidiens.  La culture du café est la première à stimuler les investisseurs étrangers », fait savoir l’Ir Binja Celubala, gérant de la coopérative Kivu coffee de Katana en territoire de Kabare.

Malgré que la production soit un peu stable, il se remarque que le chemin est loin d’être balisé, car les difficultés sont énormes. Pour pallier à l’insuffisance de la production du café dans la province du Sud-Kivu, il va falloir suivre un certain nombre de recommandations et cela permettra de fructifier cette agriculture pérenne. Binja Celubala pense que la culture du café est un business qui soit plus rentable si seulement les caféiculteurs y tirent profits.

« Aux agriculteurs, nous leur demandonsde renforcer les techniques culturales dans les champs afin d’accroître un bon rendement, de renforcer le lien de collaboration entre agriculteurs et leurs acheteurs dans l’objectif de limiter l’incertitude de prix sur le marché. Par la même occasion nous nous adressons auxcoopératives (groupe d’acheteurs) qui doivent fidéliser leurs membres (producteurs) en leur communiquant le vrai prix de la cerise. De respecter les conventions des prix sur le marché, de déployer les équipes des agronomes pour un accompagnement de proximité dans les champs de producteurs » recommande notre source 

La multiplicité des taxes et l’accès au prix dans le domaine du café, un casse-tête

Malgré sa qualité jugée meilleure, Il convient de signaler que la production du café Arabica en République démocratique du Congo fait face à de sérieuses difficultés, dues aux prix bas sur le marché mondial.

Les caféiculteurs en RDC peinent à accéder au prix pour que cela leur permette d’être informés à temps sur le prix fixé par kilogramme. Ils dépendent d’intermédiaires qui vendent leur café sans offrir de service en retour. Beaucoup d’agriculteurs de café sont exploités par ces intermédiaires qui offrent des crédits pour la récolte de café la plus récente à des tarifs extrêmement bas. Comme résultat, les agriculteurs de café sont en train de se battre pour survivre. D’où il s’observe une baisse de production car les caféiculteurs ne retrouvent presque plus leur compte.

Les producteurs du café recommandent aux coopératives de nouer des partenariats pour accéder à un bon prix de café afin d’améliorer les conditions de leurs vies.

Dans un entretien réalisé avec différents entrepreneurs, ces derniers condamnent la surtaxation dont ils sont victimes de la part de services étatiques ayant la régulation et réglementation du secteur café dans leurs mains.  

« Il y a une taxation exagérée qui nous est imposée par le service de l’État. Il nous impose trop de taxes sans tenir compte de notre capacité de vente. Nous ne voyons pas une contrepartie de cette taxe, même pas des plaidoyers qui soient menées pour voir dans quelle mesure améliorer notre climat d’affaire », a déploré un caféiculteur qui a requis l’anonymat.

La même source regrette le fait que certains services étatiques soient de mèche avec les pays voisins pour faciliter la fraude du Café congolais vers le Rwanda.

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« Nous déplorons une complicité systématique de certains départements de l’Etat qui sont impliqués dans l’exportation frauduleuse du café congolais. Le volume de café exporté via des voies officielles est réduit jusqu’à un dixième de la capacité. En plus, le café n’a pas une bonne réputation, et les producteurs de café de qualité ne sont pas récompensés proprement, parce qu’ils n’ont pas un accès direct au marché international, » regrette notre source.  

Dans une interview accordée à la rédaction Mkulima, Binja Celubala du Kivu Coffee, rassure que son organisation a un programme d’appui aux producteurs de café dans le souci de mettre en place des coopératives pour le traitement du café de qualité et les connecte avec les acheteurs de café. Ces coopératives regroupées sont construites autour des microstations de lavage, chacune servant cent membres ayant des champs de café dans les milieux. Ici, chaque micro-station de lavage est une section de la coopérative.

« Seuls quelques agriculteurs parviennent à produire 250 kg par hectare, alors que le rendement peut aller jusqu’à 2000 kg. La basse productivité met en péril la survie de la production de café. La qualité du café est faible ; avant comme après la récolte, les pratiques n’arrivent pas à améliorer la qualité des plants de café. Aucune unité centrale pour le traitement de cerises de café, menant à du café de faible qualité. Chaque agriculteur traite le café dans sa propre ferme (café lavé à la ferme), ce qui produit un stock de café de qualité variable. La seule usine de café restant au Sud-Kivu travaille en-dessous de sa capacité à cause de l’approvisionnement irrégulier en café parche. Les agriculteurs ne sont pas encouragés à vendre régulièrement parce qu’ils n’ont pas de contrats de vente à l’exportation », révèle Le gérant de Kivu coffee.

Le café à Kalehe, un espoir pour le relèvement de l’économie au Sud-Kivu

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A Kalehe, la Coopérative « Ligue des Producteurs Agricole et de Commerce » / COOLPAC Kalehe Agriculture, indique que depuis un certain temps il s’observe des avancées très considérable dans le secteur agricole du café Arabica dans les haut-plateaux du territoire de Kalehe. Avec son sol riche et fertile, la culture du café arabica y émerge favorablement. Néanmoins, des difficultés sont légion dans ce secteur, ce qui ne favorise pas la meilleure production.

« Ici chez-nous à Kalehe, nous appliquons l’agriculture du Café Arabica. Les agriculteurs pratiquent les techniques agricoles modernes pour booster la production. Les membres de la Coopérative Agricole COOLPAC maîtrisent le commerce du café au niveau local avec son potentiel et elle est active dans la culture du café, haricots et maïs (multiplication des semences, production et commercialisation des semences et des vivres). Environ 22-26 Tonnes de Café (une bonne évolution depuis la création de la COOLPAC) dont 30-50% est issu des membres. La production de la COOLPAC reste faible par rapport à la demande du marché : au niveau local, la demande est au-delà de 50 Tonnes alors que la production saisonnière de la Coopérative est de 22 Tonnes », renseigne le gérant de la COOLPAC kalehe Agriculture

La commercialisation locale face aux multiples contraintes

 Selon le producteur du café, la vente est groupée suivant des mesures traditionnelles (Namaha). Le Business est plus informel (pas des contrats commerciaux) sauf avec les acheteurs de semences et géniteurs comme World Vision et TPO.  Les Techniques post-récoltes se font avec des technologies faibles.  Il s’observe, un manque criant de l’existence des entrepôts du Café à Kalehe pourtant une exigence de l’Office National de Production Agricole au Congo ONAPAC. Également il s’observe un manque des marchés d’écoulement du café tant au niveau local qu’international. Pas des machines modernes adaptées (outils de transformation). Ces défis mis ensemble limitent les conquêtes du marché plus grand au niveau international.

Pour faire face à ces multiples défis, Sabin Chobohwa Murhimbo, de la société Coopérative Agricole préconise la canalisation des marchés pour permettre à ce qu’on centralise toute la production ainsi l’Etat saura tracer la quantité produite.  

« Ensuite, il faut regrouper les petits producteurs du café en Coopérative si et seulement si on aura des moyens et subventions. La Coolpac Kalehe Agriculture propose que les Coopératives du Café aient les moyens pour acheter la production des petits producteurs quant à elles aussi de jouer sur le système du prix pendant la période de la soudure et mettant l’accent sur la valorisation des petits producteurs et en évitant la fraude du Café qu’applique la République du Rwanda. Cela pourrait concourir à l’amélioration et l’encouragement des producteurs » Sabin CHOBOHWA MURHIMBO, Gérant de la société Coopérative Agricole COOLPAC

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Des voies de sortie

Avec la collaboration de l’organisation Belge Rikolto qui s’engage à améliorer la productivité en plantant de nouvelles cultures de café les caféiculteurs croient et se sentent rassurés.  Les variétés les plus appropriées sont cultivées dans des pépinières et distribuées aux agriculteurs.

La mise en application de Bonnes Pratiques Agronomiques qui visent à réduire les effets négatifs sur l’environnement (sol, eau, pesticides, etc.) serait une stratégie. Pour la fertilisation, le compost local issu de la pulpe de café est utilisé et permet de réduire.  Une mise en place des Champs de démonstration Paysans pour le transfert des connaissances sur l’augmentation de la production de fermier à fermier.

Faire en sorte que les coopératives sachent en avance, la qualité du café proposé aux acheteurs. Car les acheteurs de café rémunèrent la qualité. Plus la qualité est élevée, plus la rémunération augmente. Pour cela, ils doivent être formés à la dégustation du café. Qu’ils soient dotés par appareils pour mesurer certains indicateurs : taux d’humidité, activité hydrique, …

Notre source propose également la négociation des contrats de livraison avant la saison.

« Bien plus, nous nous activons à négocier des ententes commerciales pluriannuelles entre les acheteurs et les coopératives café. Ces ententes commerciales serviront de façon pluriannuelle pour le crédit. Pour ce qui est d’Accès au crédit.  Les coopératives doivent être connectées aux créditeurs. Seules les parts sociales des caféiculteurs ne sauraient couvrir tous les besoins en liquidités des coopératives pour traiter et commercialiser le précieux café arabica de spécialité. Le gouvernement devrait lancer une campagne pour la promotion de la consommation locale de café. Il en va de la viabilité de la filière café en RDC. La filière café est solide dans les pays qui consomment eux-mêmes la majeure partie de leur production. Un pays dont la production de café est consommée localement est à l’abri des fluctuations de la bourse de New-York. Ainsi, les producteurs obtiennent un meilleur prix, stable » soutient-il.

Dans un entretien avec le visionnaire du cabinet d’expertise environnementale et agricole Justin Murhula rassure que la vision de son organisation est de promouvoir la culture du café au Sud-Kivu en offrant un accompagnement technique aux caféiculteurs dans la région et ses environs.

« Offrir un appui en conseil aux producteurs du café, cela nous permettra de les professionnaliser. Nous accompagnons ceux qui sont regroupés en coopérative et ceux qui y vont en solo. Au-delà de les professionnaliser, nous les aidons également à accéder aux intrants de qualité respectant les normes mais aussi à obtenir les marchés pour l’écoulement de leur produit », a fait savoir Justin Murhula, expert en agriculture pérenne et vivrière.  

Signalons qu’EKAGRI est lui-même producteur de café  de bonne qualité et œuvre pour la promotion de la consommation du café localement. Dans ses séances de coaching organisées en faveur des jeunes entrepreneurs dans la province, Ekagri alimente les échanges au tour du café produit et torréfié localement. 

Patrick Babwine


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