RDC : Le cacao produit au Sud-Kivu face au règlement européen sur la déforestation

Amkeni Mkulima cooperative in cocoa production
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La culture du cacao, une voie de sortie de la pauvreté en RDC : L’exemple de la coopérative Amkeni Mkulima

En République Démocratique du Congo (RDC), la culture du cacao se révèle être un levier
essentiel pour le développement économique, offrant une opportunité de lutte contre la pauvreté. Considéré comme une culture à forte valeur sociétale et commerciale, le cacao apporte des bénéfices significatifs aux producteurs et à leurs coopératives.


À l’est du pays, dans le Sud-Kivu, la production et la transformation durable du cacao ouvrent progressivement l’accès à de nouveaux marchés, explique Thierry Munga, Directeur Général de la coopérative Amkeni Mkulima, qui soutient actuellement plus de 150 producteurs de cacao dans la région de Bunyakiri, proche du parc national de Kahuzi-Biega, une zone pilote pour cette culture.

Thierry souligne qu’en comparaison avec les années précédentes, la culture du cacao est désormais une source importante de revenus pour les agriculteurs de Bunyakiri, en particulier dans l’est du pays. Cette évolution explique son expansion rapide dans la région.

Un accompagnement technique pour une agriculture résiliente

La coopérative Amkeni Mkulima joue un rôle clé en apportant un soutien technique aux producteurs de cacao, à travers le renforcement des connaissances et l’adoption de stratégies et de techniques agricoles adaptées aux changements climatiques. Grâce à cet accompagnement, le cacao est devenu un moteur de développement pour sortir les agriculteurs du Sud-Kivu de la pauvreté. De plus en plus d’agriculteurs de la région de Kalehe se lancent dans la production de cacao, avec l’ambition de l’étendre à l’ensemble de la province.

« Au Sud-Kivu, la culture du cacao gagne en importance, notamment pour la résilience économique. À Bunyakiri, par exemple, des terres autrefois négligées sont aujourd’hui valorisées grâce à la sensibilisation des producteurs et à l’apport de semences de qualité. La coopérative Amkeni Mkulima, active dans la région depuis 2012, regroupe les ménages des alentours du parc national de Kahuzi-Biega et d’autres agriculteurs qui ont relevé le défi de la production de cacao », explique Thierry Munga.

Diversification économique et développement local
Grâce à l’approche de la coopérative, le cacao est désormais perçu comme un vecteur de diversification économique dans une zone longtemps dominée par d’autres cultures, telles que le palmier à huile ou la banane.

« Nous ne voyons pas le cacao uniquement comme un produit de consommation, mais comme une opportunité de diversification pour nos moyens de subsidence et notre économie locale. Nos champs ne sont pas exclusivement consacrés au cacao : nous cultivons également du café, des bananes, et nous pratiquons l’élevage de porcs et de poissons, ce qui contribue à garantir la sécurité alimentaire dans la région. Depuis 2022, Amkeni Mkulima compte environ 150 membres qui produisent un cacao respectueux de l’environnement, destiné principalement au marché local », précise Thierry.
Cacao et préservation de l’environnement : Un défi relevé
Historiquement, la production de cacao à Bunyakiri a entraîné une déforestation conséquente, menaçant la biodiversité, notamment au sein du parc national de Kahuzi-Biega. Cependant, avec l’intervention de la coopérative Amkeni Mkulima, les producteurs se sont engagés à restaurer les forêts. Toutefois, malgré ces efforts, le règlement européen sur la déforestation pèse encore sur les producteurs de la région.

« Nous avons choisi de nous concentrer sur la transformation locale afin de contourner les restrictions imposées par l’Union européenne. Malheureusement, en RDC, il n’y a pas eu de politiques agricoles en réponse à ces nouvelles exigences, qui entreront en vigueur en janvier 2025. Depuis 2019, l’Union européenne impose des normes strictes en matière de traçabilité et de respect de l’environnement. De notre côté, nous avons pris des mesures pour géolocaliser les plantations de nos membres et veiller à la restauration des forêts, car le cacao est sensible aux effets du changement climatique. Nous considérons notre cacao comme une solution à la fois pour les agriculteurs et pour la préservation du parc national de Kahuzi-Biega », explique Thierry.

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Un règlement ou une emprise néocoloniale pour bien contrôler la production africaine?

Thierry Munga exprime ses réserves vis-à-vis du règlement européen, qu’il perçoit comme une forme de contrôle néocolonial sur les productions africaines. Selon lui, ce règlement entrave l’autonomie des producteurs africains, dont les décisions sont dictées par les acheteurs européens.

« Il s’agit d’une tentative de contrôle des productions africaines. Les restrictions imposées par ce règlement compliquent l’exploitation de nos produits, car ce sont les acheteurs qui fixent les conditions. Cela nous place dans une position de dépendance. Nous devons être vigilants », alerte-t-il.

C’est cette méfiance qui incite la coopérative à privilégier le marché local. « Nous croyons qu’il est préférable de renforcer le marché local, car la RDC a des millions de personnes à nourrir. Le cacao ne se limite pas à la production de chocolat, il est également utilisé dans les cosmétiques, les médicaments, et bien d’autres domaines. Nous ne sommes pas pressés de nous tourner vers l’international », conclut Thierry.
Les défis à venir pour les producteurs de cacao

Avec l’entrée en vigueur du règlement européen « zéro déforestation » en juin 2023, les producteurs de cacao devront prouver que leur culture respecte les normes environnementales strictes. Les gouvernements africains, dont celui de la RDC, sont appelés à prendre des mesures pour accompagner les producteurs dans cette transition.

Cependant, Thierry Munga déplore l’inaction du gouvernement congolais dans la préparation des producteurs locaux aux exigences du marché international. Il craint que les producteurs de cacao ne soient livrés à eux-mêmes face à ces nouveaux défis.
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Bertin Buloza


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