RDC  : le marché et crédit carbone, une autre opportunité génératrice des revenus mais toujours ignorée par les entrepreneurs environnementaux du Sud-Kivu

Ekagri en plein formation sur le crédit carbone
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En République Démocratique du Congo, le récent rapport  publié en mai 2024 par wildlife works carbone (LLC) renseigne que 20 millions de tonnes  de crédit carbone ont été vendus sur le marché international par le pays à travers le projet Maï-Ndombe Redd.

Pourtant, dans le monde, les crédits carbones offrent l’opportunité de promouvoir des pratiques durables susceptibles de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), de générer des bénéfices économiques pour le pays et de produire des co-bénéfices sociaux. 


Malgré ce succès réalisé grâce à la seule province du Maï-Ndombe, couler régulièrement le crédit sur le marché international reste encore le plus grand défi au pays de Lumumba d’autant plus que l’organisation du secteur avance à pas de tortue. 
Plusieurs provinces du pays bien qu’ayant d’importantes réserves en forêts, continuent à connaître un grand défi celui de commercialiser les crédits carbones. C’est le cas du Sud-Kivu qui pourtant est considéré comme une des provinces regorgeant d’importants poumons forestiers qui sont dans Mwenga, Shabunda et Fizi. Au-delà de ses poumons forestiers, le Sud-Kivu héberge également beaucoup d’entrepreneurs environnementaux qui évoluent essentiellement dans l’agroforesterie, la foresterie communautaire et d’autres dans des structures de la Société Civile environnementale.

L’exemple du Maï-Ndombe pourrait inspirer d’autres provinces, parce qu’avec le projet Maï-Ndombe Redd, les communautés locales ont bénéficié 25% des recettes générées par la vente de ces crédits carbones. En effet, la communauté a gagné 25℅ du brut. Avec ce gain, la province a réussi à construire 22 bâtiments scolaires avec un hôpital équipé de matériels modernes. Avec l’argent des crédits carbones vendus, le Maï-Ndombe arrive également à payer tous ses enseignants à hauteur de 2 millions $ par mois. À part ça, le Maï-Ndombe s’est offert une concession de l’eau propre à la consommation pour tous les villages.

Les besoins sont énormes mais le plus grand défi c’est d’être capable de commercialiser les crédits carbones issus de ces activités. Si nous arrivons à commercialiser régulièrement les crédits carbone, nous pouvons arriver à faire plus pour la communauté”, soutenait le Professeur Jean-Robert, lors de la publication du rapport sur les avancées du projet Maï-Ndombe Redd en mai dernier.

Le Sud-Kivu toujours en arrière     

Comme évoqué ci-haut, la province du Sud-Kivu peine toujours à s’aligner sur le marché du carbone alors que cela pourrait générer des retombées financières dans une province avec un poumon des forêts encore intactes. D’ailleurs la province a développé la politique de la foresterie communautaire pour impliquer directement les communautés locales dans la gestion et la préservation de leurs forêts.

Mais comment la province pourrait sortir de cette situation et tirer bénéfice de ses forêts ? Pour y arriver, certaines structures qui évoluent dans la protection de l’environnement au Sud-Kivu ont certainement compris l’importance d’amener les entrepreneurs environnementaux de la province à s’aligner sur le processus du marché et crédit carbone. C’est le cas d’EKAGRI qui est un cabinet d’expertise qui depuis un certain temps organise des séances de sensibilisation et de coaching sur le mécanisme du marché et crédit carbone en faveur des entrepreneurs environnementaux. EKAGRI  a introduit au Sud-Kivu le processus « Terraformation, » pour faire comprendre aux entrepreneurs environnementaux comment ils peuvent travailler pour bénéficier du mécanisme de crédit carbone.

Dans un entretien avec le média Mkulima,  l’ingénieur Merci Kalimbiro, expert chargé des questions environnementales chez EKAGRI est revenu sur l’approche utilisée par le cabinet qui en premier lieu prend le temps d’expliquer d’abord à ces entrepreneurs les concepts du marché et crédit carbone et comment ce marché fonctionne.

 » Dans le contexte de l’environnement, nous fournissons aux entrepreneurs environnementaux une compréhension sur le mécanisme du marché et crédit carbone. Nous leurs expliquons le rôle et le processus du mécanisme de crédit carbone surtout avec un accent sur un processus que nous appelons, Terraformation. C’est un processus de transformation des forêts natifs qui échange le crédit carbone. C’est un processus qui également réglemente l’achat de crédit carbone. Il y a des projets qui s’alignent dans le processus de vente du crédit carbone mais malheureusement nous avons compris que les entrepreneurs environnementaux du Sud-Kivu n’en connaissent pas les méandres. C’est pourquoi EKAGRI prend le temps d’expliquer d’abord à ces entrepreneurs les concepts de ce marché, comment il fonctionne, quel est le cadre légal dans lequel il fonctionne, les processus de génération et de vérification ou d’échange du crédit carbone » explique l’Ir Merci Kalimbiro.

L’accompagnement de EKAGRI pourrait être une réponse au besoin

Pour l’expert Merci Kalimbiro, il est temps que lesentrepreneurs environnementaux du Sud-Kivu comprennent que le changement climatique est une réalité et qu’il y a dans le monde des entreprises pollueuses qui payent réellement le crédit carbone. Il les invite à agir en mettant en place des mesures qui s’alignent dans les projets de séquestration du gaz à effet de serre .
 » Les entrepreneurs du Sud-Kivu qui œuvrent dans l’environnement et l’agriculture sont sur le bon chemin de vendre le crédit d’autant plus que le Sud-Kivu a des grandes réserves en forêts et des étendues sur lesquelles ils peuvent travailler pour bénéficier du mécanisme de crédit carbone.



Pour que ces entrepreneurs soient bénéficiaires du crédit carbone, il faut que leurs projets s’alignent dans les projets de séquestration du gaz à effet de serre notamment le CO2 , les projets de plantation d’arbres,  les projets de protection des forêts, les projets de restauration des sols dégradés, les projets des pratiques agricoles durables, les projets de gestion des pâturages, les projets de transformation et recyclage des déchets. C’est donc une gamme des projets que les entrepreneurs peuvent initier et bénéficier facilement de ce mécanisme de crédit carbone. Il faut que les entrepreneurs environnementaux comprennent que le changement climatique est une réalité et il y a dans ce monde des entreprises pollueuses qui payent réellement le crédit carbone » fait-il observer.

L’expert environnementaliste conseille aux entrepreneurs environnementaux du Sud-Kivu à se mettre ensemble en créant des consortiums qui facilement peuvent écrire des bons projets et gagner du gain dans le crédit carbone. 

 » Et EKAGRI étant un cabinet d’expertise, il est donc capable d’aider les entrepreneurs environnementaux qui le veulent dans l’élaboration et la conception de leurs projets mais aussi les aider à soumissionner dans les plateformes jusqu’à trouver des acheteurs de leurs crédits carbones » soutient Ir Merci Kalimbiro.


Comme l’ingénieur Merci Kalimbiro, le coordonnateur de Strong Roots en RDC est également convaincu que le mécanisme du marché et crédit carbone est une réalité à laquelle le Sud-Kivu ne devrait pas se déroger. D’ailleurs, Dominique Bikaba pense qu’avec la politique de la foresterie communautaire déjà développée au Sud-Kivu, le boulevard est grandement ouvert pour que les forêts de la province génèrent des retombées financières grâce au mécanisme de crédit carbone.

 » Je sais que c’est un mécanisme qui existe et qui peut être réalisé dans le Sud-Kivu. C’est vrai que Maïndombe et ici c’est très loin mais il y a des collègues qui y pensent déjà dans le Nord-Kivu à travers la foresterie communautaire. Et le gouvernement provincial du Nord-Kivu a déjà mis en place une unité de gestion du crédit carbone. Et donc au Sud-Kivu c’est possible aussi. Parce qu’avant on n’était pas dans la foresterie communautaire mais en 2019 nous avons lancé le projet de foresterie communautaire. Et aujourd’hui nous avons sécurisé plus de forêts que ceux qui ont commencé avant nous. C-à-d que ça peut être la même chose pour le crédit carbone mais nous devons nous rassurer que nous avons une compréhension commune sur ce mécanisme » note Dominique Bikaba.

Pour lui, la société civile et le gouvernement devraient déjà intensifier des discussions pour essayer de voir  comment on devrait se rassurer que le Sud-Kivu ait plus des retombées financières vers les communautés étant donné que ce sont ces communautés qui ont besoin de l’argent pour préserver les forêts.

Malgré son massif forestier, la RDC tâtonne toujours même sur le prix du crédit carbone

Entre-temps, la RDC tâtonne encore dans sa politique sur le climat quand bien même que l’ancien Zaïre est le tout premier pays du continent à disposer d’un ministère en charge de l’Environnement. Le pays peine à imposer un prix sur son crédit carbone.
Malgré les incassables recommandations de la Société Civile au gouvernement de non seulement doter le pays d’une politique nationale sur le climat, mais aussi d’élaborer, avec toutes les parties prenantes une stratégie nationale sur le crédit carbone, le pays navigue à vue.
Et donc, l’Autorité de régulation de marché du crédit carbone (ARMC) n’existe que sur papier ! Il est alors aléatoire voire mensonger de prétendre élaborer un registre national carbone en vue de permettre à la RDC d’avoir un droit de regard sur le marché de crédit carbone et de réglementer la clé de répartition des revenus issus de la vente de crédit carbone.
Néanmoins, Dominique Bikaba, coordonnateur de Strong Roots, lui, reste encore pessimiste quant aux démarches du pays à s’en sortir de cette situation.

«  L’autre défi c’est au niveau du prix, parce que en RDC la tonne tourne autour de 5$ en moyenne. C’est encore très minime. Mais je félicite le gouvernement de la république à travers le ministère de l’environnement qui dans chaque débat revient toujours sur ce prix à la tonne. Mais avec les efforts de nous tous je crois que nous allons y arriver parce qu’il y a certains pays où la tonne se vend à 10 voire 15$ mais pourquoi chez nous ça reste à 5$? Nous allons vraiment continuer ce plaidoyer au niveau des parties impliquées dans les décisions principales par rapport au prix du carbone » soutient Dominique.

Un pays solution qui perçoit que du menu fretin

Fin décembre 2022, le marché mondial des crédits carbone valait 909 milliards de dollars ! Hélas, la RDC ne perçoit que du menu fretin et pas toujours régulièrement. Et ce, malgré son massif forestier estimé à 145 millions d’hectares (ha) pouvant séquestrer un stock de carbone évalué à 40 Gigatonnes (Gt) équivalant à 140.000.000 de d’émissions potentielles de CO2 ! .

De plus, la RDC, c’est aussi le plus grand réservoir aquifère du monde, un stock incommensurable des minerais stratégique. Mais voilà que le pays-continent qui se veut pays- solution face à la crise climatique mondiale mendie plutôt ce qui doit lui revenir en gros lot ! Pendant que les plus gros pollueurs se taillent la part du lion sur le porte-monnaie des crédits carbone.

Le président Félix Tshisekedi a plutôt sollicité la compassion internationale pour que la compensation du gel d’exploitation de forêts de la RDC soit réévaluée à 100 dollars la tonne carbone. Selon les avis des experts, aussi longtemps que la RDC se réservera de taper du poing sur la table pour exiger d’être récompensée au diapason de ses auto-restrictions forestières, elle demeurera un laquais de gros pollueurs que sont les États occidentaux et asiatiques. Certains experts environnementalistes vont jusqu’à se poser la question de savoir que vaut le Rwanda en termes de forêts pour gagner 24 fois plus que la RDC ?

Les experts suggèrent que Kinshasa devrait entrer sur le marché de la conformité plutôt que sur les marchés volontaires, car c’est là que se trouve la majeure partie du financement.

Bertin Bulonza


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