Chaque année le 1er octobre, les producteurs, les acteurs et les consommateurs du café se retrouvent pour célébrer la Journée internationale du café. Instaurée par l’Organisation Internationale du Café en 2015, cette journée met en lumière cet élixir et ceux qui participent à son existence, des cultivateurs aux consommateurs en passant par les torréfacteurs et les commerçants.
Dans la pratique, cette journée rappelle l’importance de ce produit dans les vies quotidiennes des humains et souligne également les enjeux liés à sa production.
À l’Est de la République Démocratique du Congo, plus précisément au Sud-Kivu, il est devenu difficile voire même impossible d’évoquer cette journée sans faire mention à Heshima Coffee, qui est une coopérative spécialisée dans la production, la transformation et la commercialisation du café du Kivu.
Même si officiellement aucune activité n’a été organisée au Sud-Kivu pour célébrer cette journée, Heshima Coffee, elle, ne veut pas laisser inaperçue cette journée. La coopérative a choisi la date du 11 octobre pour immortaliser cette journée avec une séance de sensibilisation sur la consommation locale du café au Kivu.
À en croire Solange Kwinja Kahiriri, PDG de Heshima Coffee, la journée du 11 octobre sera également une occasion pour valoriser le café d’altitude cultivé à Kaniola dans le territoire de Walungu.
Ce jour-là, Heshima coffee compte organiser une séance de dégustation à bas prix et gratuite de ce café que plusieurs considèrent comme celui de toute les générations.
L’objectif est de sensibiliser la population de Bukavu de bien vouloir s’approprier ce café considéré comme boisson non alcoolisée et qui contient plusieurs avantages pour les humains sur le plan sanitaire.
« On organise une dégustation à bas prix et gratuite pour ceux qui nous accompagnent depuis que nous avons commencé la campagne de la consommation locale du café dans la province du Sud-Kivu. La dégustation se fera sur avenue Kasongo dans le bâtiment qui abritait le bureau du député Olive Mudekereza à Bukavu. C’est dans le souci de vouloir montrer que la population de Bukavu a également droit à la tasse du café bien tapée. Ceux qui nous ont précédé ont fait la culture du café pour l’exportation et cela faisait que le café de qualité soit dégusté dans des pays étrangers soit en Amérique, en Europe et dans d’autres pays du monde. Mais Heshima coffee a voulu sortir de cette logique-là, parce que nous avons pensé que ce café de qualité doit aussi être consommé par le bas peuple. Nous avons estimé qu’en lieu et place des boissons fortement alcoolisées, le congolais a besoin de consommer du café » explique Solange Kwinja.
Le café pour redonner sourire à une population qui a vécu des atrocités
Kaniola est également connu pour avoir subi des atrocités liées à la guerre. Mais pour Solange Kwinja, cet ancien grainier du café peut se reconstruire grâce à cette même culture. Petite fille d’un ancien cultivateur du Café, Solange Kwinja croit que le café d’altitude cultivé à Kaniola peut être une voie pour les enfants de Kaniola à écrire autrement leur histoire.
« Le café de Kaniola parce que Kaniola dans le territoire de Walungu était le fief du café. Nos arrières parents ont produit du bon café à Kaniola dans le passé et c’était tout simplement du meilleur. Aujourd’hui on a repensé l’idée et grâce à notre partenaire la Fondation Mudekereza on a relancé le café de Kaniola. Nous avons encore aujourd’hui produit un meilleur café avec une saveur inimaginable et un arôme impeccable. C’est un café d’altitude qui vient redonner sourire aux populations de Kaniola. L’idée est également de redorer l’image d’un Kaniola qui a connu des massacres, des violences faites aux femmes, où des hommes et des enfants ont été tués. Aujourd’hui Heshima coffee a relancé le café et on est à la première récolte », fait observer la PDG de Heshima Coffee
A notre source d’ajouter : « On a récolté un café qui va être dégusté par les habitants. On veut montrer qu’à près tout ce qui s’est passé à Kaniola, la population est en train de se donner une nouvelle joie grâce au café Heshima qu’on a dénommé Café Kaniola« .
Gagner l’argent avec le café
Au Sud-Kivu, malgré la meilleure qualité du café produit, plusieurs personnes hésitent d’investir dans ce secteur. Nombreux font croire que la caféiculture ne rapporte rien. Mais la PDG de Heshima Coffee, elle, ne voit pas les choses avec les mêmes lunettes. Son père ayant étudié grâce au café, Solange Kwinja croit fermement à la rentabilité de cette culture. D’ailleurs, avec son shop Heshima coffee, Solange emploie d’autres jeunes. Pour elle, il y a toute une vie derrière le café.
» Mon papa c’est un fils d’un ancien producteur du café. Il est reconnu Kahiriri pour avoir fait ses études grâce au café congolais produit à Kaniola. Et aujourd’hui il y a nous et d’autres coopératives qui évoluent dans ce secteur du café et dont les familles dépendent entièrement de ce travail. Certains se sont fait de l’argent en exportant le café mais nous nous sommes en train de nous faire de l’argent en faisant la consommation locale du café. Autour de Heshima coffee il y a des jeunes qui étudient, des jeunes qui sont devenus des leaders parce qu’ils travaillent avec nous. Il y a une vie derrière ce café si on a la volonté de le faire et surtout en équipe » conseille Solange Kwinja.
Ne pas faire du café du Kivu un café de sang ou de guerre.
La caféiculture a été l’une des filières les plus touchées par les années de guerre et d’insécurité à l’Est de la RDC. Au Nord-Kivu, l’activisme du groupe rebelle M23 a contraint plusieurs producteurs du café à abandonner leurs camps fuyant l’insécurité. Etant membre du réseau des coopératives des agriculteurs du café et cacao en RDC, Heshima coffee regrette que la journée Internationale du Café soit célébrée dans des telles conditions où les acteurs impliqués dans la production du café ne savent plus accéder à leurs milieux de travail.
la responsable de Heshima coffee encourage ainsi l’Etat à restaurer la sécurité et aménager des routes pour espérer relancer la filière de la production du café dans le Nord-Kivu. Elle craint le risque de voir le café produit dans les zones en guerre qualifié de café de sang ou de guerre.
» Je parle avec un cœur brisé parce que je fais partie de l’initiative des femmes dans le café-cacao mais aussi du réseau des coopératives des agriculteurs du café-cacao en RDC. Aujourd’hui il y a une grande partie de la population du Nord-Kivu dans le Masisi, à Rutshuru et autres endroits qui a fui les plantations et les champs du café à cause de la guerre. Le M23 a fait que la majorité de nos coopératives du Nord-Kivu abandonnent leurs activités. On croit qu’avec l’implication du gouvernement congolais la paix sera rétablie. Nous voulons voir nos membres, ces mamans, ces papas, ces jeunes qui vivaient de leur café répondre leurs activités. On ne veut pas faire de notre café un café de sang ou de guerre », soutient-t-elle.
Avant de chuter :
« On veut continuer à produire un café de joie et un café de paix«
Bertin Bulonza