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Sud Kivu : les abeilles, ces partenaires incontournables (Entretien)

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L’Apiculture est l’un des secteurs sous exploités au Sud Kivu. Pourtant, les abeilles jouent un rôle important pour l’émergence du secteur agricole, sanitaire, environnemental et économique. Pour en savoir plus, la rédaction de Mkulima a réalisé un entretien avec Dieu Merci Mahano, Directeur de l’Organisation « Monde d’Abeilles » et Président de la Fédération des Apiculteurs du Sud Kivu.

Ci-dessus les réponses accordées à nos questions :

De quelle manière les abeilles contribuent-elles à la production agricole et à l’environnement ?

Les abeilles sont des insectes pollinisateurs et chaque fois qu’elles partent butiner sur les fleurs à la recherche du nectar et du pollen pour fabriquer le miel. Elles profitent en même temps pour polliniser ces plantes. Ce qui facilite le contact entre la semence mâle de la fleur et la semence femelle. C’est grâce au passage des abeilles que la fleur va donner des graines et des fruits.

Comment les abeilles contribuent-elles à la protection de l’environnement ?

De la même façon que l’abeille contribue beaucoup sur la production agricole, elle contribue en même temps à l’environnement d’ailleurs il est appelé « insecte maître de l’environnement » parce que c’est à travers cette pollinisation qu’elle assure la reproduction des arbres (…) donc l’abeille va non seulement impacter sur les arbres, mais elles vont aussi impacter dans le cadre sécuritaire.  Là où il y a des arbres souvent il y a des troupeaux qui viennent les déranger mais quand il y a les abeilles dedans ça constitue en même temps une sécurité pour cette plantation des arbres, et alors aucun berger ne va y amener ses vaches, les arbres seront en sécurité grâce à la présence de ces abeilles. La science démontre actuellement que  l’abeille est susceptible d’augmenter la production agricole à 40 pourcent d’une part, de l’autre part il y a aussi amélioration de la qualité des produits, des fruits ou des graines quand la plante a été pollinisée par l’abeille, les fruits deviennent de meilleures qualités et là il n’y a pas des ratés comme cela serait fait avec d’autres pollinisateurs comme le vent, le papillon et autres.

Une cohabitation pacifique entre les apiculteurs et les agriculteurs est-elle possible?

Les agriculteurs devraient comprendre qu’ils ne peuvent rien récolter des champs si les abeilles ne sont pas à côté et que les apiculteurs aussi comprennent que sans les plantes vivrières, ils ne vont pas avoir du nectar pour que les abeilles leurs produisent du miel. Il y a une interdépendance obligatoire que les gens devraient comprendre pour qu’ils parviennent à conjuguer ensemble et à travers cette approche là que nous appelons transhumance apicole. Les agriculteurs louent les ruches auprès des apiculteurs pour que les abeilles soient auprès de leurs champs. Ceci impacte sur la qualité de leurs productions agricoles mais aussi elles l’augmentent. Dieu a fait que toutes les plantes vivrières soient d’abord mellifères avant d’être vivrières, une fois pollinisées par les abeilles, ces plantes produisent des fruits, des graines et tout ce que nous récoltons aux champs.

Quels sont les défis liés à l’apiculture ?

La mortalité très élevée des abeilles est le premier et le plus grand défi dans ce secteur. L’abattage d’arbres, partout où les collines sont dénudées les abeilles ne trouvent plus à manger et d’habitat puisqu’elles vivent dans les troncs d’arbres. Ceci constitue une insécurité pour les abeilles qui partent se réfugier dans des toits des maisons ou elles sont brulées farouchement comme des insectes indésirables pour la plupart de cas. Il y aussi le problème lié à  l’entomophagie qui fait des records ici en province, où les gens se nourrissent de jeunes larves des abeilles, dans certains marchés comme à Walungu on a constaté que l’on  est même en train de les vendre en plein air. Ceci diminue la population des abeilles. Le problème lié à la coutume rétrograde dans nos territoires qui décourage les femmes à faire l’apiculture. Celui d’accès à la terre, beaucoup des gens veulent pratiquer l’apiculture mais ils n’ont pas de place ou le faire, les endroits existent mais il y a des gens qui s’en sont accaparés sans donner la possibilité aux autres d’y placer des ruches. Certaines qui font l’apiculture, le font de façon traditionnelle au point que les abeilles ne sont pas dans de bonnes conditions ce qui provoque non seulement la mortalité à travers les prédateurs qui entrent dans les ruches, mais aussi la détérioration de la santé de l’abeille. Dans la province du Sud-Kivu, il y a aucun centre de recherche apicole qui puisse investiguer sur l’état de l’espèce d’abeille que nous avons, pour savoir ses besoins.

Comment se lance-t-on dans l’apiculture ici chez nous au Sud-Kivu?

Pour se lancer dans l’apiculture il faut d’abord apprendre et nous, « Monde d’abeilles », organisons souvent des formations avec l’Institut national de préparation professionnelle, INPP. Il y a une convention où nous accueillons les jeunes qui veulent se lancer dans l’apiculture, nous les formons durant 21 jours quand ils sortent de là, ils ont tout un bagage qui leur permet d’entreprendre dans cette filière. Après cette formation la personne peut acquérir quelques ruches et quand elle a un endroit où les placer, nous l’accompagnons dans la mise en place mais aussi dans le suivi jusqu’à la récolte, qui intervient 6 mois après.

Comment acquiert-on les colonies d’abeilles ?

C’est par le piégeage, nous achetons des appâts on les sélectionne et on les embaume dans la ruche pour attirer dedans les abeilles, ça exalte une odeur qui attire les abeilles. La deuxième méthode c’est la récupération, souvent il y a les abeilles sur les planches ou sur les branches d’arbres ou dans les toits des maisons, on part déloger ces colonies là-bas vivant de manière sauvage, on vient les domestiquer dans des nouvelles ruches. La troisième méthode c’est le transvasement ; on procède au prélèvement des abeilles dans des ruches traditionnelles auprès des apiculteurs traditionnels on peut acheter des ruches et maintenant nous allons assurer le transfert de ces colonies qui étaient dans la ruche traditionnelle, pour celles semi modernes et là ça va démarrer. La quatrième méthode c’est la division des colonies ; ça c’est pour un apiculteur qui a déjà quelques ruches colonisées et alors on va diviser chaque ruche, chacune va en faire autant qu’il veut et à travers des méthodes modernes bien précises, la cinquième méthode qui est en vue maintenant, elle vient de naître puisque c’est dans la perspective 2025 c’est un centre de multiplication d’abeilles que nous allons mettre en place ici et qui sera susceptible de rendre disponible les colonies d’abeilles pour toute personne qui veut en acquérir, il peut acheter en même temps la ruche, il prend la colonie et directement on loge dedans.

Le manque de formation pour les Apiculteur constitue-t-il un danger pour eux et pour les abeilles ?

Évidemment, les apiculteurs traditionnels sont les gens qui le font non seulement par passion mais aussi de manière héréditaire. Ils le font exactement comme leurs pères le faisaient, ils ne savent pas les besoins des abeilles. Ils sont incultes par rapport à ce sujet et cela expose la personne qui fait cette apiculture mais aussi les abeilles elles-mêmes. Puisque en le faisant, ne sachant pas les précautions à prendre à tout moment, les abeilles peuvent causer des accidents par ignorance, mais aussi ces abeilles-là sont exposées à la mortalité par de mauvaises manipulations traditionnelles. Il y a aussi le risque de compromettre la qualité du miel et des autres produits de la ruche puisqu’il n’a pas suffisamment d’informations qu’il lui faut pour qu’il le fasse.

Quelles sont les conditions pour participer à vos formations ?

C’est seulement exprimer le besoin, payer le frais de formation équivalent à 100 dollars. A la fin de la formation le participant aura son brevet. D’ailleurs deux brevets puisqu’il y a un brevet local contresigné entre Monde d’abeilles et l’INPP et le Certificat national de l’INPP qui provient de Kinshasa et là nous allons accompagner maintenant l’entrepreneur jusqu’à la matérialisation de son projet.

Quel est le degré de l’implication de l’Etat dans ce secteur ?

Le secteur est encore très nouveau, mais on dirait que les entrepreneurs apicoles commencent à bénéficier quelques avantages que l’Etat offre à d’autres entrepreneurs comme l’arrêté d’exonération signé l’année passée et il y a aussi de petits accompagnement comme tout le monde. De manière spécifique il n’y a pas d’implication directe de l’État, plutôt ce sont des taxes qui surgissent.

Quels sont les bienfaits du miel ?

Le miel soigne plus de 124 maladies. Il est reconnu comme un produit antiseptique, c’est-à-dire qu’il détruit les microbes dans l’organisme, nettoie partout où il passe. C’est un produit digestif puisqu’il facilite la digestion et les transites intestinales, il est dynamogénique puisque ça constitue une source d’énergie, de force pour l’organisme et surtout quand l’on fait des lourds travaux. Le miel est un produit antianémique c’est-à-dire, qui facilite l’augmentation du sang dans l’organisme, quand on prend du miel régulièrement on ne peut pas souffrir de l’anémie, il est béchique puisqu’il calme la toux, il suffit de prendre du miel avec l’eau chaude ça va résoudre ce problème. Le miel est un produit essentiellement thérapeutique et diététique.

Le miel naturel, un remède pour le traitement de plusieurs maladies
Le miel naturel, un remède pour le traitement de plusieurs maladies

Comment expliquez-vous la hausse du prix du miel alors que c’est une production locale ?

Ceux qui produisent sont moins nombreux alors qu’il y a une forte demande. Et chaque fois sur un produit quand la loi de l’offre et de la demande n’est pas équilibrée, il y a un prix élevé, puisque l’offre est inférieure à la demande.

Pouvons-nous implanter des ruches en milieu urbain ?

Non, il y a des endroits propices pour implanter des ruches. Les abeilles quand elles sont provoquées elles menacent pour se défendre. Quand il y a des enfants tout autour, des bruits des véhicules, les abeilles ne sont pas à l’aise. Il faut les mettre à un endroit où elles ne seront pas dérangées pour éviter des risques. Tout le monde devient ennemi dans ce cas et alors on risque d’enregistrer beaucoup d’incidents.

Quelles recommandations et propositions à toute la population du Sud Kivu ?

C’est d’appeler toute personne à emboiter les pas à cette filière naissante et très jeune et qu’il commence l’apiculture. Il y a une très forte commande de miel que l’on ne parvient pas à satisfaire puisque les producteurs sont moins nombreux. De l’autre côté nous sensibilisons aussi toute famille à consommer du miel, consommer des produits de l’abeille puisque cela garantit la bonne santé, non seulement de la personne qui consomme mais de toute la famille. A l’État d’avoir un œil regardant par rapport à ce secteur puisqu’il est non seulement multifonctionnel mais aussi transversal, qui va impacter non seulement sur l’agriculture mais aussi sur l’environnement de notre entité et ça va créer de l’emploie ce qui serait un véritable développement de nos milieux ruraux.

Lucien Kobinali

 

 

 


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