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Sud Kivu : le coût élevé du riz « Nyange-nyange » et sa rareté sur le marché fustigés par ses consommateurs

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La Plaine de la Ruzizi est une partie du Sud-Kivu possédant de fortes potentialités agricoles. Reconnue sous la marque du Riz labélisé « Nyange-nyange » qui est un produit local, cette denrée est l’une des principales cultures effectuées dans cette zone. Consommé par plus d’un, certains habitants fustigent le fait que son prix ne soit pas compétitif au détriment du riz importé qui, d’ailleurs, coûte moins cher que celui produit localement. Alors que le sac de 25Kg de riz importé de la Tanzanie et du Pakistan se négocie dans différents marchés respectivement à 20.5$ et à 19$, celui du riz produit localement dans la plaine de la Ruzizi se négocie à 25$.

Et ce, malgré le paquet important affecté pour soutenir le projet de l’agriculture au Sud-Kivu et le grand Tanganyika notamment la culture du riz local « Nyange nyange », soutenu techniquement et matériellement par l’organisation Belge Rikolto au travers le financement du Projet Intégré de Croissance dans la région de Grands Lacs, PICAGL. Pourtant censé de relever le défi alimentaire et palier à la malnutrition en province, ce projet de résilience a été mis sur pied mais le résultat est de loin d’être satisfaisant.

L’espoir des consommateurs du riz produit localement au Sud-Kivu s’amenuise. La quantité produite par les organisations paysannes n’arrive pas à satisfaire la demande et une autre quantité reste enclavée dans différents dépôts de la plaine de la Ruzizi. Les habitants en province pensaient que cette production couvrirait le déficit alimentaire et leur permettrait de réduire sensiblement l’importation du riz.

De 2021 à 2023, les Coopératives agricoles sous l’accompagnement de l’organisation Belge Rikolto n’ont produit que 161 tonnes du riz Nyange-nyange. Une production jugée médiocre par plusieurs observateurs qui sont convaincus que les coopératives et les Organisations paysannes peuvent encore faire mieux que cela.

La population du Sud-Kivu particulièrement celle de Bukavu a hâte de rompre avec les riz importés et souhaite voir seulement le riz produit localement envahir les marchés locaux.

 « Pendant que le projet avait bénéficié de l’appui technique et financier de l’organisation internationale Belge Rikolto, le gouvernement provincial promettait aux Sud-Kivuciens de manger à satiété. Pour le riz labelisé Nyange-nyange produit dans la plaine de la Ruzizi, à Nyangezi une partie du territoire de Walungu et en territoire de Fizi la production reste insuffisante, toutes les belles paroles sont restées lettre morte »,  se plaint Janvier Kabare Makombe de la ligue des consommateurs au Congo Kinshasa/LICOSKI.

stokage du Riz Nyange nyange/ photo crédit
stokage du Riz Nyange nyange/ photo crédit

« Fournissez-nous ce riz venté ! », demandent les consommateurs

Alors que dans divers ateliers cette production locale était présentée aux consommateurs, aux commerçants, aux propriétaires des dépôts de stockage, aux alimentations comme une solution à la sous-alimentation en province, la rareté du riz labellisé Nyange-nyange crée de frustration auprès de consommateurs à Bukavu et ses environs.

« Nous avons suivi à la radio que désormais nous n’allons plus consommer les produits importés, mais grande est notre surprise de voir que ce riz n’est pas accessible à tous. Son prix est un peu élevé par rapport aux riz importé. Il y a indisponibilité de ce riz sur le marché », se plaint Biringanine Musole habitant de Nyawera av. SINELAC à Bukavu.

Musole propose qu’il ait des points de vente diversifiés pour faciliter aux consommateurs d’accéder à ce riz qu’il juge du moins de bonne qualité. Ceci, au regard du fait que l’encouragement de la production locale fait l’unanimité. Les consommateurs louent l’initiative locale visant à accroitre l’économie nationale.

Les agriculteurs face à d’énormes défis

Certains fustigent la surtaxation à laquelle ils sont soumis par les services de l’Etat congolais, d’autres déplorent l’insuffisance d’intrants nécessaires capables de booster la productivité ainsi que la transformation des produits agricoles.

L’agriculture étant artisanale, les Organisations paysannes et les coopératives agricoles dans la plaine de la Ruzizi font recours à une main d’œuvre extérieur, qui pèse beaucoup plus sur leur rendement. Ce qui entraine des retombées sur la productivité et, par conséquent, la non satisfaction de la demande.

« Les pratiques agricoles restent encore rudimentaires. L’accès aux boutiques d’intrants qui n’existent pas dans la zone d’intervention et celles qui existent sont chères. Il s’observe un manque des routes de dessertes agricoles qui ne permet pas la mobilité des produits vers les zones d’évacuation. Dans la transformation on manque des machines capables de séparer les cailloux, les brisures et la poussière. Pour la distribution, la difficulté se pose pour trouver les véhicules à temps et délivrer dans le délai convenu», explique Basimise Mambo Damas, Gérant de la coopérative de Riz Tuungane de Sange, COOPRITU.

Mauvaise état de route qui ne permet pas l'évacuation des productions vers les consommateurs
Mauvaise état de route qui ne permet pas l’évacuation des productions vers les consommateurs

La Coopérative Agricole pour la Commercialisation Performante des Aliments de Base (COPABA) est également confrontée à multiples difficultés d’ordre technique, financier et conjoncturel tel que le dérèglement climatique.

« Il y a trop de problèmes qui ne favorisent pas l’épanouissement de la culture du riz dans la plaine. Nous décrions la destruction de nos canaux d’irrigation non réhabilités. Les aléas climatiques qui perturbent la saison culturale influencent négativement sur la récolté. On déplore l’absence totale de la mécanisation agricole, l’absence des intrants comme : engrains et produits phytosanitaires», regrette Mugisho Nshombo Justin, Gérant de la COOPABA à Sange.

Au regard de toutes ces difficultés, la majorité de producteurs éprouve d’énormes difficultés dans la transformation de leurs productions. Le secteur agricole semblant être abandonné par les décideurs aux mains de paysans.

Les consommateurs paient les pots cassés

Face à cette situation, les producteurs fustigent le manque des subventions de la part de l’Etat congolais et l’asphyxie fiscale auxquels ils sont soumis, ce qui entraine une faible production locale du riz. Ils renseignent que la fixation du prix est faite après avoir inventorié les dépenses effectuées de la production jusqu’à la commercialisation.

Ils souhaitent avoir des assurances que les consommateurs de Bukavu puissent être en mesure d’acheter dans la plaine de la Ruzizi au moins 90 tonnes par mois. Si tel était le cas, les coopératives fourniraient cette quantité bien que ce soit encore peu. Cela permettrait de faire face à la concurrence étrangère, chose qui rencontre le point de vue de la Ligue des consommateurs des services au Congo-Kinshasa, LICOSKI.

« Nous sommes de ceux-là qui soutiennent la campagne produisons et consommons local. La production locale est à encourager parce que les produits locaux sont traçables. Ce sont aussi des produits dont on peut avoir une idée sur les techniques de production, les techniques durables. On peut aussi maitriser le rouage par rapport au transport du lieu de la production jusqu’à Bukavu», soutient Janvier Makomba Kabare président de cette structure.

La LICOSKI promet aller vers les autorités à différents niveaux pour trouver un certain nombre d’apaisement fiscal et demander que l’on frappe un tout petit peu les produits externes afin de donner un ouf de soulagement aux producteurs locaux.

Certains consommateurs pensent que l’accompagnement de Rikolto dans leurs milieux n’a pas fait d’échos. Pour certains agriculteurs qui ont gardé leurs anonymats, l’implication des organisations internationales à l’occurrence Rikolto n’as pas produit du bon résultat sur terrain.

Patrick Babwine


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